La premi re difficult inh rente notre propos tient ce que, depuis ces cent cinquante derni res ann es, le terme "juif" a pris dans l'usage courant deux sens tr s diff rents. Pour mieux comprendre cette nouveaut , reportons-nous par l'imagination en l'an 1780. l' poque, la signification de ce terme pour tout le monde co ncidait avec ce que les juifs eux-m mes consid raient comme le fondement constitutif de leur propre identit . Celle-ci tait essentiellement religieuse; de plus, les pr ceptes de la religion r gissaient, jusque dans les moindres d tails quotidiens, tous les aspect de la vie sociale et priv e des juifs entre eux et dans leurs rapports avec les non-juifs. Qu'un juif p t boire ne f t-ce qu'un verre d'eau chez un non-juif tait alors effectivement impensable. Cette situation a t modifi e par un double processus, lequel, n en Hollande et en Angleterre, s'est poursuivi en France, lors de la R volution, ainsi que dans les pays qui suivirent son exemple, et a fini par gagner les tats monarchiques modernes du XIXe si cle: dans tous ces pays, les juifs ont acquis des droits individuels nombreux et importants (et, dans certains cas, l' galit juridique compl te); et le pouvoir judiciaire que la communaut juive exer ait sur ses membres a t aboli. Notons bien que ces deux d veloppements furent simultan s et que le second -- bien qu'assez peu connu -- est encore plus important que le premier.